top of page

Le transport maritime (de marchandises)

Dernière mise à jour : 5 mars


Parfois, il nous arrive de nous faire surprendre par l’apparition d’un cargo à l’horizon alors que nous pensions être seuls au milieu de l'Océan.

D’autres fois, nous sommes davantage à l'affût car nous savons que nous allons traverser leur rail. Un rail est un Dispositif de Séparation du Trafic (DST) généralement constitué de deux voies (un rail montant et un rail descendant) qui régule la circulation des cargos dans une zone où leur trafic est dense.

Lorsqu'on traverse un rail en voilier, c'est comme si on voulait traverser une autoroute à pied, il vaut mieux bien calculer son coup et regarder plusieurs fois à droite et à gauche avant de se lancer.




En nous rendant aux Canaries il y a quelques semaines (janvier 2022), nous avons traversé le rail emprunté par les cargos qui naviguent entre le détroit de Gibraltar et le cap Finistère. De nuit, nous avons slalomé au milieu d'une dizaine de ces monstres des mers, en restant particulièrement attentifs au risque de collision (ou devrais-je dire au risque d'écrabouillement car si nous devions entrer en collision avec un cargo, nous serions réduits en miettes sans qu'il ne s'en rende compte).


Représentation sur nos cartes nautiques du rail



Cela m'a donné envie de vous parler un peu plus de ces navires géants et du transport maritime qu'ils assurent (je n'évoquerai que le transport maritime de marchandises et pas celui de passagers qui fera sûrement l’objet d’un prochain article).


LES ENJEUX


  • Le mode de transport LE PLUS ÉCONOMIQUE grâce aux capacités de volumes de marchandises concernées. 22 fois moins cher que le transport aérien, 7 fois moins cher que le transport routier et 3,5 fois moins cher que le transport ferroviaire. (esalco.com)


  • Des marchandises de toute nature : pétrole brut transporté grâce aux tankers, vrac solide (charbon, minerais, grains…) dans les vraquiers, marchandises les plus diverses à bord des porte-conteneurs.


  • 90 % du commerce mondial en volumes transportés et 80 % en valeur. Une progression spectaculaire en quelques décennies : près de 11 milliards de tonnes de marchandises ont circulé sur les mers du globe en 2017 contre seulement 550 millions de tonnes en 1950. (Françoise Nicolas 2020, Institut français des relations internationales)



  • Plus de 50 000 navires sur les mers du globe chaque année. (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement)


Cartographie des tankers et autres cargos en direct sur Marine Traffic


LES TYPES DE NAVIRES


On peut classer ces navires selon leur marchandise ou selon leur taille.


Catégories selon leur marchandise :

  • Les Tankers : navires-citernes dont le nom indique le type de substance (souvent dangereuse) qu’ils transportent : les pétroliers pour le pétrole, les méthaniers pour le gaz naturel, les butaniers pour le butane, les chimiquiers pour les produits chimiques…

  • Les Rouliers (aussi appelés Ro – Ro) : de grands navires qui transportent des camions remplis de marchandises, assurant la connexion entre différentes étapes de transport routier.

  • Les Vraquiers : cargaisons en vrac telles que le minerai, les céréales, le charbon, le ciment, le sel, le sucre.

  • Les Porte-conteneurs : La conteneurisation fait partie des inventions qui ont révolutionné le transport de marchandises en réduisant la durée de transport de 84% et le coût de 35%. Aujourd’hui, 90% des marchandises autres que le vrac sont transportés en conteneurs. Le premier porte-conteneurs, IdealX, a quitté le port de Newark dans le New Jersey le 26 avril 1956. Ce processus a réellement pris son essor lors de l’apparition d’une normalisation internationale pour la taille des conteneurs : 20 pieds (6,10 m), qui a donné l’unité de mesure EVP (équivalent vingt pieds) utilisée pour exprimer la capacité des navires porte-conteneurs. Le plus grand d’entre eux, le MSC Gulsüm, construit en 2019, a une capacité de 22960 EVP. Il mesure près de 400 mètres de long et plus de 61 mètres de large, soit l’équivalent de 3,5 terrains de football. (Françoise Nicolas 2020, Institut français des relations internationales)


Porte-conteneurs croisé au large des Açores


Catégories selon leur taille :

Elles doivent leur nom à la capacité des navires à franchir certaines zones géographiques :

  • PANAMAX : Ces navires avaient les dimensions maximum pour rentrer dans les écluses du canal de Panama. L'ouvrage ayant été élargi en 2016, la nouvelle norme est appelée NEOPANAMAX ou NEW PANAMAX.


  • SUEZMAX : Ces navires (surtout des pétroliers) sont capables de passer à pleine charge par le canal de Suez mais sont trop gros pour passer par le canal de Panama. Le canal de Suez ne comprenant pas d'écluses, la longueur de ces navires n’est pas restreinte.


  • CAPESIZE : trop grands pour passer par le canal de Suez, ces navires sont appelés Capesize, car ils doivent passer par le cap de Bonne-Espérance pour contourner l'Afrique et le cap Horn pour contourner l'Amérique.


Liste et caractéristiques des navires d'après leurs limites géographiques


La Grèce, le Japon et la Chine sont les trois plus importants propriétaires de cette flotte mondiale (classement d’après le tonnage de leur flotte respective). Mais allez comprendre pourquoi, la plupart de leurs bateaux sont immatriculés au Panama ou aux îles Marshall. (Review of Martitime Transport, 2018)


La majorité des équipages sont Philippins.


LES ZONES STRATÉGIQUES



  • L’Asie : La concentration des flux maritimes ne cesse de s’y renforcer. En 2017, 17 des 20 plus grands ports mondiaux sont asiatiques : 13 en Chine (14 avec Hong Kong), 1 à Singapour et 2 en Corée du Sud.


Commerce maritime par région en 2017 (en pourcentage du tonnage mondial)


  • Le canal de Suez : reliant la Méditerranée à la Mer Rouge, le canal de Suez est le plus long canal (190 kilomètres) artificiel sans écluse au monde. Par rapport au contournement du continent africain par le cap de Bonne Espérance, le passage par Suez fait gagner près de 10 jours entre le Golfe Persique et Londres par exemple. Depuis 2015, une nouvelle voie de 35 kilomètres de long permet la circulation à double sens et donc la réduction du temps d’attente. Aujourd’hui 97 navires transitent chaque jour par le canal, contre 49 auparavant.

  • Le canal de Panama : long de 77 km, il traverse l’isthme de Panama en Amérique centrale pour relier l’Océan Pacifique à l’Océan Atlantique et éviter le contournement du continent américain par le détroit de Magellan ou le Cap Horn au sud. Depuis 2016, un nouveau canal et un nouveau système d’écluses rendent possible le passage de navires transportant jusqu’à 3 fois plus de fret et multiplient par 2 la capacité du canal de Panama. Entre octobre 2020 et septembre 2021, 36 cargos ont transité chaque jour par ce canal, un chiffre en constante augmentation malgré la crise du Covid. (Figaro entreprise, Fabrice Nodé-Langlois 29 oct 2021)


  • Le détroit de Malacca : long couloir maritime de 900 km situé entre la Malaisie et l’île indonésienne de Sumatra, le détroit de Malacca est un passage très fréquenté à l’importance stratégique : 84 000 navires y transitent chaque année (230 par jour), soit 15 à 20% du commerce mondial et environ 30% des chargements mondiaux de pétrole brut.


  • Le détroit d’Ormuz : situé entre l'Iran et Oman, ce couloir maritime large d’une cinquantaine de kilomètres relie les producteurs d'hydrocarbures du Moyen-Orient aux marchés d'Asie, d'Europe et d'Amérique du Nord. Il voit passer 30% du brut transitant par la voie maritime. (Françoise Nicolas 2020, Institut français des relations internationales)


  • Les routes arctiques : Le pôle Nord se réchauffe 2 à 3 fois plus vite que le reste de la planète. En se libérant progressivement de ses glaces à cause du réchauffement climatique (si si, c’est bien une réalité), l’espace arctique s’ouvre potentiellement à une hausse du trafic maritime en ses eaux. Les routes maritimes arctiques ont l’avantage de ne pas être exposées à la piraterie, à la différence du détroit de Malacca et du Golfe d’Aden. Deux routes majeures se détachent dans la zone arctique :

- le passage du Nord-Ouest (PNO) : Situé au large des côtes septentrionales canadiennes, le passage du Nord-Ouest offre une route entre l’Europe et l’Asie plus courte de 26 % (calcul sur la distance entre Londres et Tokyo) que par le canal de Suez, trois fois plus courte que par le cap Horn.

- le passage du Nord-Est (PNE) : Il permet de relier l’océan Atlantique à l’océan Pacifique en passant par le nord de la Russie et pourrait se substituer à la voie maritime de Suez-Malacca. En effet, la distance entre Shanghai et Hambourg, en passant par le PNE, est de 14.000 km contre plus de 20.000 km par la route maritime traditionnelle.



Pour l’instant, ces deux passages restent très peu exploités pour un trafic de transit entre l’Europe et l’Asie en raison du manque d'infrastructures portuaires, du coût des navires brise-glace, des conditions de navigation difficiles et saisonnières, d’un tirant d’eau limité à 13 m par endroits, du coût des assurances et des droits de passage, d’une vitesse limitée, de l’absence de cartes parfaitement hydrographiées, de la quasi-obligation d’utiliser du carburant désoufré beaucoup plus cher que le fioul lourd, …

Cependant la Russie investit considérablement dans son espace arctique qui représente 15% de son PIB et a mis en place une stratégie pour le développement de la zone arctique à l’échéance de 2035 centrée prioritairement sur l’exportation par voies maritimes de la production de ses hydrocarbures, gaz, pétrole et de ses minerais. C’est cet aspect du trafic maritime dit de destination qui représente aujourd’hui la part la plus importante du trafic dans la Route Maritime du Nord (portion du PNE entre le détroit de Béring et le détroit de Kara) avec plus de 30 millions de tonnes de fret en 2020. (Frédéric Lassere, institut Ega, avril 2021)



L'IMPACT ENVIRONNEMENTAL


Les pollutions liées au transport maritime sont nombreuses. On peut les classer en trois catégories : la pollution de l’air, de l’eau et de la terre.


La pollution de l’air


  • D'après une étude de l'Organisation maritime internationale (OMI), les émissions de gaz à effet de serre (GES) dues au transport maritime (dioxyde de carbone lié à la combustion du carburant) représentent 2,89 % des émissions mondiales. Si le transport maritime ne pollue pas autant en GES et autres polluants atmosphériques que d'autres types de transport à poids égal et à égale distance, comme il concerne un volume très important de fret et qu'il est sur une courbe de croissance très importante son taux d’émission de GES reste préoccupant car il pourrait atteindre 17% d’ici 2050.

  • La combustion du carburant, du fioul lourd riche en soufre, émet également des particules fines responsables de maladies cardiaques et cardiovasculaires (60000 morts par an en Europe) et responsables de l’acidification des pluies et par conséquent des océans et des sols. (Iris France)


La pollution de l’eau


  • Hydrocarbures : On estime que près de 3 millions de tonnes d’hydrocarbures se répandent chaque année dans les mers et les océans. Les navires sont responsables de 10% (300 000 tonnes) de ces déversements d’hydrocarbures : marées noires, dégazages,… (Agence france électricité)


  • Pollution sonore : le bruit causé par les moteurs et les hélices des navires perturbent les animaux marins, en particulier les cétacés qui utilisent des sons pour s’orienter, communiquer et se nourrir.


  • Collisions avec les mammifères marins



  • Espèces invasives : réalisé dans de mauvaises conditions, le rejet des eaux de ballast peut libérer et disperser des milliers de micro-organismes dans un écosystème qui n’est pas celui d’origine (exemple du poisson lion). Cette dispersion d’espèces invasives représente une menace pour les écosystèmes marins, la santé humaine et les économies locales. Le secteur maritime est responsable de l'introduction de la moitié de toutes les espèces non indigènes dans les mers européennes depuis 1949.


  • Conteneurs : Les plus grands porte-conteneurs sont parfois hauts comme un immeuble de 20 étages. L’équilibre de l’empilement de leurs boîtes peut rapidement être mis à mal dans des tempêtes, d’autant plus si le chargement a été mal arrimé pour gagner du temps, ou si le poids de leur cargaison n’a pas été correctement déclaré par leur propriétaire pour économiser de l’argent. Les cargos perdraient en mer chaque année jusqu'à 15 000 conteneurs même si ce chiffre est très difficile à vérifier. Les transporteurs préfèrent ne pas déclarer la perte d’une partie de leur chargement pour éviter d’avoir à payer les opérations de repêchage et de dépollution (pas vu pas pris). Même les assureurs refusent de communiquer sur le nombre de conteneurs déclarés perdus par leur client. Outre la pollution générée par la perte de ces conteneurs qui contiennent parfois des produits très dangereux, cela représente également une menace pour les voiliers ou les bateaux de pêche qui peuvent les percuter et couler suite à une voie d’eau importante. (Le Monde, Julien Bouissou et Marie Naudet, 7 avril 2021)


Le porte-conteneeurs "One Apus" dans le port de Kobé (Japon) le 10 décembre 2020, dix jours après avoir été frappé par un violent orage.

(Buddhika Weerasinghe/Bloomberg via Getty Images)


La pollution sur terre :


Une fois en fin de vie (30 ans), le démantèlement des navires devrait permettre de recycler de manière écologique ses composants. Si les États développés ont mis en place des réglementations restrictives sur la mise en œuvre du démantèlement de ces navires, d’autres pays aux réglementations beaucoup plus laxistes attirent sur leur territoire des propriétaires de bateaux pour un démantèlement à des tarifs très compétitifs. L’Inde continue à être le pays où ont lieu le plus de démantèlements de bateaux, suivie par le Pakistan et l’Iran.


5% de la masse de ces navires est composée de déchets dangereux.

Un rapport de 2010 de la Banque Mondiale estimait que d’ici 2030, le Bangladesh et le Pakistan auraient accumulé des millions de tonnes de déchets dangereux issus du démantèlement des navires : 85000 tonnes d’amiante, 256000 tonnes de produits chimiques dangereux, 225000 tonnes de substances réduisant la couche d’ozone, 75000 tonnes de peintures contenant des métaux lourds et des toxines, 720 tonnes de métaux lourds, environ 2,2 millions de m3 de déchets liquides organiques et plus d’1 million de tonnes de déchets dangereux. Les études ont également prouvé que le démembrement des navires pollue son environnement immédiat, le sous-sol terrestre comme la mer.


LES ALTERNATIVES / SOLUTIONS


  • Arrêter d'utiliser du fioul lourd pour préférer du Gaz naturel liquéfié (GNL) voire de l'hydrogène ou d’autres biocarburants.

  • Limiter les vitesses pour réduire la consommation de carburant et les émissions de particules fines et GES qui y sont liées.

  • Installer des épurateurs (scrubbers) sur les navires, pour réduire la pollution des fumées.

  • Se diriger vers des innovations telles qu'une gigantesque voile cerf-volant à bord du navire ou des turbines captant l’énergie du vent (« Rotor Sail »). Ces technologies viennent en aide au moteur principal et allègent ainsi la consommation finale.

  • Renouveler la flotte en répondant à des normes environnementales.

  • L'entreprise de Saint-Malo, Energy Observer, annonce le développement d'un cargo de 120 mètres totalement décarboné d'ici 2025. Ce projet de navire, d'une capacité de 5000 tonnes de charge devait être présenté à Brest à l'occasion du One Ocean Summit. (Malyen Villaverde, France 3 Bretagne, 7 février 2022)


Energy Observer 2 - Kadeg Boucher / JB Epron Design

  • S’orienter vers des cargos à voiles.

  • Installer des bornes électriques à quai pour fournir une énergie propre aux navires dans les ports.

  • Protéger des zones maritimes. Trois des cinq plus grandes entreprises de transport de conteneurs se sont par exemple engagées à ne pas emprunter le passage du Nord-Est (même si des contraintes logistiques et économiques ont fortement motivé cette décision).

  • Modifier des routes maritimes : MSC (Mediterranean Shipping Company), leader mondial dans le transport de conteneurs, a décidé de dévier ses navires de la fosse hellénique à l'ouest et au sud du Péloponnèse et au sud-ouest de la Crète, où se concentrent les cétacés après avoir été alerté par 4 ONG sur les dégâts que provoquaient ses cargos sur la population déjà menacée de 200 à 300 cachalots. (le journal de la marine marchande, 28 janv. 2022, A.D.)

  • Changer nos modes de consommation : Le transport maritime sert à acheminer plus de la moitié des biens et produits consommés aujourd’hui. Si on souhaite qu’il diminue, peut-être peut-on envisager de :

- Moins consommer : acheter moins de gadgets superflus, faire réparer au lieu de remplacer, acheter d’occasion,…

- Consommer local : acheter made in France ou Europe plutôt que Made in China, préférer les circuits courts,...



Chaque action compte !


197 vues2 commentaires

Posts récents

Voir tout

2 Comments


edmonddelage
edmonddelage
Feb 13, 2022

Très intéressant ! Nous y avons beaucoup appris ! Y compris sur l'"océan " de progrès à réaliser !🤗


Like

Arnaud Cazenave de la Roche
Arnaud Cazenave de la Roche
Feb 12, 2022

Très bon article, Mathilde, un sujet intéressant et bien documenté ! 😊

Like
bottom of page