top of page

Le retour de Pythéas

Dernière mise à jour : 31 juil. 2019


Ce n'est pas l'envie de poursuivre notre périple le long des côtes tunisiennes qui nous manquait mais le temps. Or, il était temps de prendre le chemin du retour... Nous devions être en France avant la fin du mois de mars et les météos plus que capricieuses dans le golfe du Lion à cette saison nous incitaient à prendre un important délai de sécurité pour ne pas avoir à naviguer dans de mauvaises conditions, chose que nous avions réussi à éviter jusque-là.

Nous avons quitté Sidi Bou Said le jeudi 25 février sous un soleil éclatant et par une mer légèrement moutonnante.


Le vent soufflait généreusement, d'abord de face puis progressivement de travers. En sortant du golfe de Tunis, nous avons débordé à bâbord l'île Plane,


et salué à tribord le cap Bon, en nous réjouissant de ne pas avoir à le passer une deuxième fois. Au large, le vent a continué à forcir ainsi que la houle. Peut-être un peu trop sous-toilés, nous avancions alors poussivement. Dans la nuit, le vent retomba un peu et avec plus de voiles, nous avons amélioré notre cadence.

Vendredi, en milieu de journée nous apercevions les contreforts de la Sardaigne. Le vent de travers puis de trois-quart arrière nous permettait de filer bon train, entre 6 et 7 nœuds. La nuit suivante, nous avancions les voiles en ciseaux, tout en nous exerçant avec plus ou moins de succès à la pêche au calmar pour lutter contre le sommeil. Au bout de 48 h de navigation, nous avions déjà effectué 242 miles!

Malgré cette belle performance, nous restions vigilants. Les météos que nous avions prises avant de partir nous promettaient un fort coup de vent à venir.

Samedi matin, le jour se leva à travers un ciel bas et lourd sur une mer grise. Pas besoin d'être un expert pour deviner que la météo allait se dégrader... Malgré tout, nous continuions notre progression sur une très bonne moyenne puisque nous progressions toujours entre 6 et 7 nœuds de vitesse.

Après avoir dépassé le golfe d'Olbia (Sardaigne) en fin de matinée puis les bouches de Bonifacio par le travers quelques heures plus tard, nous avancions toujours voiles en ciseaux (trinquette et GV arisée) à plus de 6 nœuds de moyenne. Alors que nous faisions cap vers l'île d'Elbe, nous avons décidé de nous dérouter pour aller nous mettre à l'abri dans le golfe bien protégé de Porto-Vecchio.

Nous nous sommes présentés devant le golfe à la tombée de la nuit en même temps qu'un orage de pluie et d'éclairs. Au même moment, le vent s'est brusquement inversé. Si près du but, nous avons renoncé à tirer des bords entre les cailloux qui encadrent l'entrée du golfe et nous avons fini les derniers miles au moteur. Nous avions pris soin de signaler notre arrivée auprès du sémaphore de Chiappa mais il était trop tard pour prévenir la marina de Porto-Vecchio dont la capitainerie était déjà fermée. Nous y avons tout de même trouvé une place le long d'un quai et malgré la présence de quelques lumières à l'intérieur des voiliers voisins, personne ne s'est donné la peine de venir nous aider à nous amarrer sous cette pluie diluvienne...

Welcome back in France...

En tout, nous avions parcouru 313 miles en 60 heures soit une belle moyenne de 5,21 nœuds de vitesse.

La pluie n'a cessé de tomber à grand torrents pendant plus de 48 heures. Dimanche, la capitainerie étant toujours fermée, nous avons profité gratuitement de l'abri d'une des marinas les plus onéreuses de la côte corse orientale. Supposant que le tarif aurait augmenté le lundi, nous avons décidé d'aller passer la nuit suivante au mouillage dans le golfe. Toujours sous des trombes d'eau, nous nous sommes solidement ancrés pour résister à un vent encore violent (30-40 nœuds). Vaillant depuis plus de 9 mois, Jean-Luc a été terrassé pendant cette escale humide par une énorme crève.


Après un repos nécessaire et imposé par les conditions météo, nous avons repris notre route en direction de l'île d'Elbe. Mardi matin, nous laissions derrière nous un golfe rempli de boue charriée par les pluies ravinantes des deux derniers jours.



Le vent était complètement retombé mais si nous attendions trop pour repartir, c'est un nouveau coup de vent annoncé que nous allions devoir affronter. C'est donc un peu à la voile et beaucoup au moteur que nous avons rallié l'île d'Elbe, distante de 90 miles de Porto-Vecchio.

A l'approche de l'île, nous avons admiré à bâbord les cimes enneigées des montagnes corses, et à tribord les côtes toscanes de l'Italie.


Comme souvent, c'est seulement à quelques miles de l'arrivée que le vent est revenu.


Nous nous sommes néanmoins amarrés sans difficulté le long du quai de Marina di Campo. Les garde-côtes, plus aimables qu'en Sicile, sont venus nous prévenir que le port mal abrité du vent d'Ouest annoncé pouvait s'avérer très remuant et qu'il valait peut-être mieux modifier notre amarrage.

Dubitatifs mais toujours prudents, nous avons suivi leurs conseils et nous sommes amarrés à la grecque, perpendiculaires au quai avec 80 m de chaîne.

Nous n'avons pas attendu longtemps pour constater que les conseils des garde-côtes étaient plus que pertinents. Dans la nuit de mercredi à jeudi, nous avons relevé 52 nœuds de vent levant une mer en furie au milieu d'un port aux allures de cocotte-minute en ébullition. Notre amarrage n'étant pas parfaitement perpendiculaire et notre arrière pas assez écarté du quai, le vent et la houle ont réussi à repousser notre bateau contre le quai, mettant à rude épreuve l'angle droit de la jupe ainsi que mes nerfs...De très longues minutes de stress à craindre un scénario catastrophe : des amarres qui cèdent, une ancre qui décroche, le safran qui se fracasse dans les rochers à côté du quai...Plusieurs fois dans la nuit nous nous sommes relevés, alertés par le bruit sourd de la jupe qui rebondissait contre le quai. Malgré tous nos efforts pour reprendre de la chaîne, redresser le bateau face au vent, doubler les amarres, le supplice continua encore longtemps. Le lendemain, nous avons profité de quelques "accalmies" du vent pour essayer, en vain, d'améliorer notre amarrage et nous prémunir d'une deuxième nuit d'angoisse. La nuit suivante fut heureusement bien moins houleuse que la veille et nous avons presque pu dormir sur nos deux oreilles.

Vendredi matin, le vent était complètement retombé. Nous en avons profité pour nous mettre à l'eau et nettoyer la carène du bateau. Les garde-côtes sont revenus pour nous prévenir de l'arrivée d'un coup de vent du Sud, selon eux bien plus mauvais que le vent d'Ouest que nous venions d'essuyer! Pas très curieux de comparer la force des remous créés par le vent du Sud par rapport à ceux du vent d’Ouest, nous avons filé vers Porto Azzurro, un port bien mieux abrité à l'extrême Est de l'île. En un peu moins de 3 heures, nous avions parcouru tout au moteur les 13 milles de distance jusqu'à Porto-Azzurro, admirant sur notre passage les paysages sauvages et ferrugineux de l'île d'Elbe.





Le lendemain, malgré un vent du Sud très violent, nous avons abandonné l'esprit tranquille notre bateau pour aller visiter en bus la capitale d'Elbe, Portoferraio, au Nord de l'île. Nous avons flâné quelques heures dans cette petite bourgade au sommet de laquelle se trouve la maison où Napoléon s'exila pendant 10 mois en 1814 avant son épopée des 100 jours.


Dimanche, nous reprenions la mer en direction d'Antibes où se trouve l'atelier de North Sails chez qui nous allions faire réviser nos voiles.

Nous avons d'abord tiré un bord pour dépasser péniblement la pointe Nord de l'île d'Elbe, avec un vent instable, une houle de face et des dauphins au milieu pour nous consoler. Puis nous avons tiré un autre grand bord pour passer le plus au large possible du cap Corse, toujours très venteux. Si nous avons évité ce potentiel danger, nous n'avons pas pu éviter de nous retrouver dans une zone de la mer de Ligurie où le trafic maritime est très dense. Dans la nuit du dimanche au lundi, je n'ai pas eu besoin de lutter contre le sommeil tant les nombreuses lumières des ferries et leur vitesse de navigation m'obligeaient à une vigilance de tous les instants.

Le lendemain, nous étions de nouveau seuls au monde, même le vent nous ayant abandonné. Cette dernière journée de navigation vers Antibes a été à l'image de l'ensemble de notre voyage méditerranéen : de la pétole, du vent force 6, de la pétole avec de la houle, de nouveau du vent juste avant l'arrivée nous obligeant à ralentir pour ne pas nous présenter trop tôt devant le port d'Antibes, et puis plus de vent pour finir les derniers miles....

Mardi matin, nous étions amarrés à l'intérieur du gigantesque port d'Antibes, le temps de ranger nos voiles (sous la pluie) pour les confier à l'atelier de North Sails et le temps de réinstaller les anciennes voiles pour la dernière partie du retour.


Nous avons profité de cette escale pour aller nous balader à Vence / Saint-Paul-de-Vence et pour nous reposer avant de reprendre la route Vendredi après-midi.


Nous avons bien avancé au travers bon plein jusqu'à hauteur de Porquerolles. Puis samedi au petit matin, le vent nous a à nouveau fait défaut avant de revenir généreusement quelques heures plus tard au large de Toulon. Le vent soufflait de face et j'ai décidé de tirer un bord vers le Sud ce qui allait s'avérer être une très mauvaise idée. Au large, au milieu de nulle part, un hélicoptère des douanes est venu nous contrôler avant de nous souhaiter bon courage pour la suite car le vent qui soufflait déjà fort allait encore forcir. Même si nous avancions bien, il a fallu nous résigner à tirer un bord à hauteur de Marseille pour ne pas trop descendre dans le Sud du golfe du Lion. Ce fut un bord très désagréable, qui nous a fait perdre beaucoup de terrain, de temps et d'énergie pendant de très longues heures et une nuit interminable par force 7. Nos efforts furent tout de même récompensés car nous avons réussi le lendemain à naviguer vers Saint-Cyprien sur un seul bord avec un vent qui s'est progressivement calmé.

Lundi 14 mars, (jour de la sainte Mathilde), après 250 miles et 55h de navigation usantes, nous nous amarrions sans tambour ni trompette vers 1 h du matin à l'intérieur de la zone technique déserte de Saint Cyprien,

Fatigués mais heureux d'avoir ramené Pythéas à bon port, nous avons fêté notre arrivée et la fin de notre première partie du voyage avec une bonne bière puis une vraie nuit réparatrice.

Deux jours après, nous avons sorti Pythéas hors de l'eau pour le laisser au sec quelques mois, le temps de faire la saison de plongée à Port-Vendres et de réaliser un check-up complet du bateau pour le préparer à la suite de notre grand voyage...

99 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page