Nous ne pouvions pas repartir de Gibraltar sans aller saluer les singes au sommet du rocher.
D'en haut, on jouit également d'une très belle vue sur la baie et la marina de Linea de la Conception, séparée de Gibraltar par un poste frontière et une courte piste d'aviation que l'on traverse à pied!
Dimanche 30 octobre au petit matin, nous avons quitté notre prestigieux voisin de ponton (un "Joshua", conçu par Moitessier) et le rocher de Gibraltar, toujours coiffé d'un épais nuage.(Jean-Luc, adepte des théories du complot, est persuadé que les Anglais ont fabriqué une usine à nuages pour recréer au-dessus de Gibraltar le smog so british).
Le temps de passer faire le plein de gasoil (0,56 € le litre), nous avons hissé le pavillon de courtoisie de l'Union Jack, même si Jean-Luc fervent admirateur des Anglois s'en est brûlé les doigts...
Prudemment, nous n'avons d'abord hissé qu'un petit génois seul pour sortir de la baie et ne pas nous faire surprendre par le couloir très venteux que peut être le détroit.
Poussés par un vent complètement arrière de 15 nœuds bien établis, nous avons longé sans difficulté les côtes espagnoles et gardé à distance les énormes cargos rubik's cube qui évoluent au milieu du rail.
Rassurés par la tournure des événements, nous avons progressivement renvoyé un peu de toile et sous régulateur d'allure, nous avons progressé sur une moyenne très réjouissante de 7 nœuds avec quelques belles pointes à presque 9 nœuds (sans doute aidés par le courant).
Tels les explorateurs qui pensaient la terre plate et qui ignoraient ce qu'ils allaient trouver au bout, nous nous demandions ce qui nous attendait à la sortie du détroit. Pas de siphon géant ni de vide abyssal au bout des portes d'Hercule, seulement un peu plus de vent. De 15 nœuds, le vent a progressivement fraîchi, allant jusqu'à 20 puis 25 puis 30 nœuds bien établis au large de notre nouvelle baignoire : l'Atlantique!
Peu avant la nuit, comme le vent montait encore jusqu'à 35 nœuds nous avons même troqué le génois arisé contre la trinquette. Faute d'établir de nouveaux records de vitesse, nous nous assurions ainsi une nuit sereine (pour celui qui veille, comme pour celui qui laisse veiller l'autre).
Nous ne le savions pas encore mais nous avions mangé notre pain blanc : le 2e jour, le vent et la houle étaient retombés et bien que nous ayons renvoyé le génois complet puis la grand voile, nous avions beaucoup de mal à dépasser les 3 nœuds de vitesse...
Le 3e jour, un peu de vent est revenu ... mais de face...ce qui nous a mis dans la délicate position de tirer des bords à 400 milles de l'arrivée ...
Heureusement la nuit suivante nous a apporté notre premier calmar de l'Atlantique, et le petit matin du 4e jour une bonite pour fêter autour d'un bon repas le 500e jour de notre nouvelle vie.
Le vent ne s'est malheureusement pas invité à la fête et nous avons été contraint de rallumer le moteur. Pendant les 48 heures suivantes, nous avons navigué au prés serré "grâce" au retour d'un vent généreux et régulier de sud-ouest... qui nous a à nouveau abandonné le 7e jour, nous obligeant à remettre en route le moteur pendant de très longues heures. Puis soudain, Eurêka! Le vent favorable de Nord-Est s'est enfin levé ! Nous étions à 10 miles de l'arrivée...
Ainsi, au bout d'une semaine de navigation et de 690 milles parcourus non sans peine, nous atteignions l'île de Porto Santo, au Nord de l'archipel de Madère.
Nous y avons fait une entrée très remarquée puisqu'au moment de trouver une place au milieu des bateaux au mouillage, le câble d'accélérateur s'est décroché, empêchant toute manœuvre au moteur, et Pythéas poussé par le vent (toujours là quand il faut...) a commencé à dériver gentiment pour aller saluer de très très près un joli voilier bleu en plastique. Moins paniqués que moi, ses propriétaires s'étaient calmement munis de pare-batte pour limiter les effusions entre les deux bateaux, quand in extremis, Jean Luc a réussi à raccrocher le câble pour me permettre de reprendre ma manœuvre... un bien joli spectacle offert à la vue de tous les propriétaires des autres bateaux au mouillage. Heureusement, nous avons réussi à mouiller correctement du premier coup, évitant de nous faire remarquer une deuxième fois...
Il est vrai qu'au milieu de tous ces autres bateaux de voyage, on se sent forcément modeste. On a un peu l'impression d'avoir changé de cour : on se croyait grand et on se rend compte qu'il y en a plein d'aussi grand autour de soi... Avant, Pythéas avec ses équipements de voyage dénotait au milieu d'une flotte de bateaux de plaisance plus "communs". Maintenant, on ne croise plus un seul bateau qui n'ait pas au moins un voire plusieurs des attributs du bateau de voyage : coque métallique, régulateur d'allure, gréement ketch, panneaux solaires, éolienne, deux voiles d'avant, ...
L'incroyable fresque qui recouvre la digue du port témoigne d'ailleurs du nombre certain de bateaux qui nous ont précédés.
Porto Santo est une petite île sauvage, appréciée par les Madérois pour ses grandes plages de sable fin, dont leur île principale est dépourvue.
La beauté de l'île donne un avant-goût très séduisant des paysages de Madère.
Nous avons quitté Porto Santo pour Machico, la deuxième ville de l'île principale, sur la côte Sud-Est de Madère.
De là, nous avons pris le bus pour aller visiter la capitale Funchal, son fort, sa vieille ville, sa cathédrale, son parc sur les hauteurs, son marché et ses produits locaux.
Puis nous avons loué une voiture pendant deux jours afin de d'explorer le reste de l'île et l'intérieur des terres.
Nous avons découvert une île magnifique, à la population chaleureuse et extrêmement accueillante, à la végétation luxuriante où cohabitent palmiers, bananiers, fruits de la passion, manguiers, fleurs tropicales, massifs d'hortensias et de bougainvilliers et bien d'autres espèces encore.
Sur des pentes encore plus escarpées que celles de Banyuls (dixit un vigneron catalan), est cultivée de la vigne en treille, à partir de laquelle est fabriqué le délicieux vin de Madère, presque (mais pas tout à fait) aussi bon que le Banyuls.
Avant de repartir vers les Canaries, nous avons rempli la pharmacie avec quelques bouteilles de ce doux breuvage et réalisé un avitaillement de produits locaux très exotiques : fruit de la passion banane, fruit de la passion traditionnel, fruit de la passion tomate, fruit de la passion citron, fruit de la passion ananas, chayottes, bananes, ananas-bananes, ...
De quoi prolonger encore un peu le plaisir que nous avons eu à vivre quelques jours sur cette merveilleuse île...