Le moment de larguer les amarres est enfin arrivé.
Nous partons après la première tempête de l’automne, « Aurore » alors qu’il y a tout juste un an nous avions été (ac)cueillis par la tempête « Alex ».
Nous avons décidé de faire route vers Porto (Portugal) et prévoyons environ une semaine de navigation sans escale pour atteindre notre but.
La fenêtre météo dans laquelle nous nous engouffrons n’est pas aussi bonne que nous l’aurions souhaité mais nous craignons qu’à force d’attendre plus, la météo s’empire. Par confort et par sécurité, nous décidons néanmoins d’activer notre téléphone satellitaire pour suivre l’évolution des météos pendant notre navigation. (La suite nous donnera raison d’avoir pris cette précaution.)
Vendredi 22 octobre 2021, nous quittons la bouée du port de Folleux et remontons la Vilaine jusqu’à l’écluse d’Arzal que nous franchissons en fin de journée.
Coucher de soleil depuis le ponton d'attente de l'écluse d'Arzal
Le lendemain, nous quittons définitivement l’eau douce pour retrouver l’Océan.
La première journée sera la meilleure. Poussés par 15 noeuds de vent au travers, nous faisons route plein Ouest vers Belle-Île puis vers le large et parcourons 135 miles en 24h.
Les quatre jours suivants, nous composons avec des vents plus faibles et une houle parfois contraire ce qui nous oblige à alterner navigation à la voile et au moteur. Cette reprise en douceur nous permet néanmoins de contrôler que tout fonctionne parfaitement à bord et de retrouver très vite nos marques après un an sans naviguer.
Alors que nous finissons de franchir le golfe de Gascogne et que nous nous approchons des côtes Nord de la Galice, la queue d’une dépression s’apprête à croiser notre route. Nos bords de près dans 25-30 noeuds de vent ne sont pas assez rapides pour esquiver les vents les plus forts et ce sont bientôt 30 noeuds bien établis avec des rafales à 40 qui nous secouent pendant d’interminables heures au large de la Corogne. Sous trinquette endraillée et 2 ris dans la GV, toujours au près, nous peinons à garder le bon cap alors que des murs de pluie s’abattent sur nous, rendant la visibilité quasi nulle au-delà de 10 mètres...
Au bout de 3h d’efforts stoïques, découragés par notre faible progression et des conditions de plus en plus cauchemardesques, nous décidons de changer de bord. Faute de vitesse, nous n’arrivons pas à franchir la houle et “manquons à virer”. Mais comme par enchantement, avant même de retenter la manœuvre le vent se met subitement à tourner et à Enfin ! devenir favorable. Nous pouvons donc reprendre une route directe plus confortablement.
Le vent mollit même assez pour ressortir le génois et finir sans doute facilement les 150 derniers milles grâce au vent d’Ouest/ Nord-Ouest annoncé.
Malheureusement, les choses ne se sont pas passé comme ça.
Au moment de ressortir notre génois, nous constatons qu’il porte une grande balafre, le rendant inutilisable et nous incitant à le ranger immédiatement pour ne pas aggraver son état.
La manœuvre pour remplacer la voile d’avant par notre génois de secours étant trop compliquée dans ces conditions de mer, il ne nous reste que l’option gennaker pour palier la faiblesse de la trinquette.
Après avoir sacrifié nos dernières réserves d’énergie et nos derniers poils de secs pour installer le gennaker sur le bout-dehors pendant que les vagues continuent de s’écraser sur le pont, nous sommes prêts à hisser le gennaker juste avant la nuit. Mais le vent s’en mêle à nouveau et la menace d’un grain nous incite à rentrer la voile momentanément. Nous n’arriverons plus jamais à renvoyer le gennaker car ses écoutes se sont entortillées dans la voile et il faudrait maintenant le dérouler complètement sur le pont pour résoudre le problème, ce que nous ne sommes pas capables d’accomplir alors. Il faut donc nous résigner à rallumer le moteur pour appuyer la trinquette et renoncer à atterrir à Porto pour préférer nous abriter au fond de la baie de Vigo (Sud de la Galice), car une nouvelle dépression encore plus forte arrive le lendemain.
Arrivée à Vigo
Vendredi 29 octobre, après 6 jours de traversée, nous jetons l’ancre dans l’ensanada de Simon où nous allons passer 2 jours à remettre de l’ordre dans nos voiles mais aussi à allonger la liste des avaries : outre le génois déchiré, nous déplorons la perte du safran auxiliaire de notre régulateur d’allure, un enrouleur de génois grippé, et last but not least, un support de barre de flèche cassé.
Le moral n’est pas au plus haut mais il faut tout de même se mettre en ordre de bataille pour rallier Porto, où nous devons retrouver le fils de Jean-Luc en début de semaine. Grâce à notre précieuse hotline technique Hervé (Yacht Club de Saint-Cyprien) dont la gentillesse n’a d’égal que la disponibilité et la compétence, nous nous remettons en route dimanche soir.
Toujours privés de l’usage d’une grande voile d’avant en raison de notre problème de barre de flèche, c’est encore à la voile et au moteur que nous parcourons les 80 derniers miles jusqu’à Porto en espérant que notre gréement ne montre pas de nouveaux signes de faiblesse.
Une autre menace hante également mon esprit, celle des orques qui depuis 2 ans se frottent régulièrement à des voiliers comme le nôtre le long des côtes atlantiques de l’Espagne et du Portugal, jouant avec le safran des bateaux jusqu’à détruire parfois leur système de barre… L’argument “cela n’arrive qu’aux autres” n’est plus de mise depuis que cette mésaventure est arrivée à nos amis Marcel et Nadine à bord de Carolau III cet été…
Localisation des "interactions" entre les orques et les voiliers (source : ORCA IBERICA)
Lundi matin dans la pénombre je sors du cockpit pour déplacer des bouts à l’avant quand je crois reconnaître la respiration caractéristique de mammifères marins. J’essaye d’occulter ça en me persuadant que ce n’est qu’une énième hallucination de mon esprit inquiet, mais lorsque j’aperçois des ailerons le doute n’est plus permis.
Heureusement, il ne s’agit que d’un groupe de dauphins qui viennent jouer un long moment autour du bateau. Si la nuit est encore trop noire pour que nous les distinguions clairement, les volutes de plancton phosphorescent que leur sillage déplace nous offrent un spectacle inédit et grandiose.
Au petit jour, nous apercevons l’entrée de Porto.
Au moment d’affaler la trinquette nous découvrons peut-être la cause de la déchirure de notre génois : un œillet mal fixé sur notre nouvelle trinquette endraillée, ultime déception et ressentiment vis-à-vis du travail lamentable qu’a réalisé l’atelier North de Vannes sur nos voiles.
Lundi 1er novembre 2021, nous jetons l’ancre dans le Douro, soulagés d’être arrivés à Porto et d’avoir enrayé la spirale négative de ces dernières 72 h…
Il ne nous reste qu’à profiter brièvement des retrouvailles avec Jonathan et Kenza
Même à Porto, on boit du Banyuls !
puis nous retrousser les manches pour résoudre au plus vite tous nos ennuis techniques et pouvoir repartir vers de nouvelles aventures…
Wahouu tu m as fait rêver avec le spectacle des dauphins dans le plancton phosphorescent 🤩
Bonsoir à tous les deux, je viens de relire certains passage du livre de bord, ça nous fait un peu voyager grâce a vous.
je profite de ce message pour vous souhaiter une bonne et heureuse année 2022
Olivier (OLK)
Hello Mathilde. J'adore votre passion ... je suis avec grand intérêt tes récits passionnants... j'adore. Pour ma part j'ai aussi, à moindre échelle, bravé les éléments mais j'ai pu avancer dans mes plongées Posidonie. Bonne continuation. Bon vent ! A bientôt. Bises.