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La Gambie n'est pas un long fleuve tranquille

Dernière mise à jour : 25 mai 2022

Il nous a fallu 33 heures pour parcourir les 135 miles (250 km) qui séparent la Casamance de la Gambie.

La Gambie est un état enclavé à l’intérieur du Sénégal. A peine plus grande que le département de la Gironde, cette ancienne colonie britannique a obtenu son indépendance en 1965. Après avoir subi 20 ans l’oppression du dictateur Yahya Jammeh dont les crimes commencent à peine à être jugés, elle est dirigée depuis 2017 par Adama Barrow et a ré-intégré le Commonwealth en 2018. Cependant, la situation ne s’est toujours pas améliorée pour les plus défavorisés dans ce pays très pauvre.



Nous avons jeté l’ancre le 21 avril 2022 devant la capitale Banjul à l’embouchure de la rivière "Gambia", dans un cadre des plus enchanteurs : cargos au mouillage, épaves à moitié immergées, et le doux parfum de déchets plastiques en train de brûler…

On s'est alors réjouit que la baie de Banjul n’ait pas été notre premier contact avec l’Afrique.



Épave dans la baie de Banjul


Épaves dans la baie de Banjul

Après des formalités d’entrée rondement menées (compter une demi-journée tout de même) et quelques courses à l’"Albert market", nous avons quitté illico la baie de Banjul pour nous mettre au vert dans la crique de Lamin Lodge à une dizaine de kilomètres de là.


Lamin Lodge, femmes qui reviennent de la récolte des huîtres de mangrove


Le 23 avril 2022, nous entamions la remontée de la "Gambia river", curieux de découvrir une faune et une flore qu’on nous avait décrites comme extrêmement riches et d’aller à la rencontre de nouvelles populations.


Très vite, alors que nous pensions être rompus à la navigation en rivière après notre expérience sur le Saloum et la Casamance, nous avons du affronter une série d'épreuves inattendues :

- un vent d'abord de face qui nous a contraint à ne faire que du près (à l'aller comme au retour !) puis un vent de plus en plus faible voire inexistant en s’enfonçant dans les terres.

- des fonds de très mauvaise tenue dans lesquels l'ancre dérape dès que le vent dépasse les 15 noeuds (mais une très bonne adhérence de la vase sur les maillons de la chaîne, vous garantissant une longue session de nettoyage au moment de remonter le mouillage).

- un fort courant de marée qui rend toute ambition de remonter le vent à la voile contre courant illusoire.

- le pont de Sénégambie dont personne n'est capable de vous donner la hauteur exacte. Les différentes versions que nous avions recueillies oscillaient entre 17 et 21 mètres. Avec notre tirant d'air de 17,80 m, nous avons décidé d'attendre la marée basse pour le franchir, avec succès.


Farafenni, pont de Sénégambie


- une ligne très haute tension qui enjambe la rivière environ 5 miles en amont du pont et dont personne ne nous avait signalé l’existence (d'après nos recherches, il semblerait qu'elle ait été installée fin 2021). Par prudence, nous avons préféré passer là où elle nous paraissait la plus haute, c'est-à-dire le long de la rive sud de la rivière. Cette précaution était peut-être superflue même si les cris et les gestes confus de quelques personnes depuis la rive au moment où nous passions sous la ligne n'ont pas manqué de nous inquiéter.

- La batterie du guindeau (= ce qui nous sert à remonter le mouillage) qui nous lâche, des fonds qui descendent rarement en dessous de 8 mètres pour jeter l’ancre, une bonne séance de décrassage musculaire tous les matins pour remonter les 40 ou 50 mètres de chaîne à la main, par 35° C. (Nous réussirons à la fin de notre séjour en Gambie à ramener à la vie notre batterie qui avait souffert d’une mauvaise charge d’un de nos alternateurs)

- une chaleur de plus en plus étouffante en l'absence du moindre courant d'air au fur et à mesure qu'on remonte la rivière, et des moustiques qui s'en donnent à cœur joie dès le coucher du soleil car l'eau de la rivière devient douce.


Coucher de soleil depuis Bird Island


- et last but not least, des casiers, des palangres et surtout des filets sur tout le tracé de la rivière obligeant à une extrême vigilance de jour comme de nuit.



À marée montante, les pêcheurs laissent dériver leurs filets sans les surveiller et si la nuit vous ne vous êtes pas arrêtés du bon côté du courant (ce qui n'est pas toujours si facile à déterminer), vous risquez de vous retrouver emmêlé dans un de ces filets. C'est ce qui nous est arrivé au beau milieu d'une nuit. Nous nous sommes réveillés en sursaut au son du "clang clang clang clang clang" qu’ont fait les flotteurs du filet sur la coque du bateau. Nos efforts pour démêler le filet qui emmaillotait le bateau sont restés vains et avec la force du courant et du filet qui nous tirait, nous dérivions à environ 1 noeud de vitesse. Ce sont les pêcheurs qui nous ont aidé à nous sortir de ce mauvais pas, remontant patiemment et méthodiquement leur filet.

Plus de peur que de mal, même si Jean-Luc a gagné le lendemain une petite plongée d'inspection sous la coque (plongée à l’aveugle dans une eau certes à 31°C mais complètement trouble) pour s'assurer que rien n'était resté coincé dans l'hélice.

La plaisanterie a bien failli se reproduire plusieurs fois. Nous l'avons évitée une fois grâce à un pêcheur qui est venu nous réveiller pour nous prévenir de l'arrivée de filets et nous recommander de changer de place au milieu de la nuit (toujours sans guindeau...) et une autre fois parce que nous avons vu un premier puis un deuxième filet arriver à la tombée de la nuit et que nous nous sommes postés avec l'annexe devant l'étrave du bateau pour dévier leur route.


Un autre aspect assez cocasse de la pêche au filet est cette fâcheuse tendance qu’ont les pêcheurs d’étendre leurs filets sur toute la largeur de la rivière, rendant son franchissement impossible.

Par chance, nous ne nous sommes jamais retrouvés complètement coincés, réussissant à passer à chaque fois juste avant que le pêcheur ne "referme la porte" mais le cas échéant nous aurions sans doute été contraints de jeter l’ancre en attendant que le pêcheur vienne relever son filet…


Des filets un peu partout


Pêcheur en train d'installer son filet


Pêcheur en train d'installer son filet à côté de Pythéas au mouillage


Regarde Jean-Luc, ça recommence !


Pêcheur en train de pêcher au filet le long de la berge, sous la surveillance d'un hippopotame à l'arrière plan


Pêcheur à l'épervier


Comme vous l’avez compris, la Gambie ça se mérite. Mais si l’on est prêt à affronter toutes les difficultés listées ci-dessus, voici de quelle manière on sera récompensé :


Entre Banjul et Elephant Island, l’eau de la rivière est salée et on navigue au milieu d’un long corridor de mangrove surdimensionnée.


Elephant Island, gigantestque mangrove


Petit bolong au milieu d'une mangrove gigantesque



On peut y observer une multitude d’oiseaux, et même parfois de petits singes verts.


Vol de milliers de Dendrocygnes veufs (Dendrocygna viduata) dans le ciel


Dendrocygnes veufs (Dendrocygna viduata)


Palmiste africain (Gypohierax angolensis)


Centaines de pélicans au milieu de la rivière


Centaines de pélicans au milieu de la rivière


Envol des pélicans


Flamands roses


Flamands roses


Rollier d’Abyssinie (Coracias abyssinicus)


Calao d'Afrique du Sud (Tockus rufirostris)


Singe vert dans la mangrove d'Elephant Island


Singes verts au sommet des arbres au lever du jour


Singes verts perchés sur une branche à la tombée du jour



Progressivement, l’eau devient de plus en plus douce, les paysages s’ouvrent et la mangrove cède la place à une végétation plus variée mais tout aussi foisonnante.


Les animaux viennent s'abreuver à la rivière, ça y est on est dans de l'eau douce !


Une végétation plus variée


Des paysages qui s'ouvrent



Outre les oiseaux toujours omniprésents, on croise des hippopotames qui évoluent dans des eaux peu profondes et se manifestent surtout le soir par des mugissements impressionnants.






En continuant de remonter la rivière, on atteint le "Gambia River National Park" composé de plusieurs îles dont la principale, Baboon island, abrite comme son nom ne l’indique pas une population de chimpanzés.

Accompagnés par les Rangers du Parc, nous avons eu la chance de pouvoir observer depuis la rive ces animaux captivants.





Notre remontée de la rivière s’est achevée au bout de 150 miles (280 km) au niveau de Baboon island car nous n’étions pas sûrs que notre tirant d’eau nous permette d’atteindre Janjanbureh (anciennement Georgetown).


Pythéas au mouillage derrière Baboon Island


Sur le trajet du retour, nous avons fait plusieurs escales dans les villages les plus en amont de notre parcours sur la rivière :

Nous nous sommes d’abord arrêtés à Kuntaur, où nous avons débarqué pendant les vacances de Tobaski, période de fêtes après la fin du Ramadan. Dans la rue, tous les enfants avaient revêtu leurs plus beaux habits et réclamaient le « salibou », des sortes d’étrennes que nous leur avons offertes sous forme de friandises.

Nous y avons également fait la rencontre de deux charmantes adolescentes qui nous ont fait visiter leur village et nous ont appris nos premiers mots de Mandinka, la langue des Mandingues.


Kuntaur


Le lendemain matin, profitant de la fraîcheur des premières heures du jour, nous sommes allés nous promener le long des rizières à la sortie du village. Lors de notre passage en Casamance, nous n’avions pas vu les rizières en culture car elles ne le sont que pendant la saison humide. Ici, grâce à l’eau douce de la rivière qui peut irriguer en permanence les champs, les rizières sont exploitées deux fois par an et nous avons ainsi pu les admirer sous un meilleur jour.


Lever de soleil sur les rizières de Kuntaur


Piste vers le village de Kuntaur


Rizières de Kuntaur


Arrachage des mauvaises herbes dans les rizières de Kuntaur


Rizières de Kuntaur


Repiquage dans les rizières de Kuntaur


Nous avons prolongé notre balade quelques kilomètres plus loin pour aller visiter les cercles de pierre de Wassu, site mégalithique inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO.


Terrain de foot à la sortie de Kuntaur


Cercles de pierre de Wassu


Cercles de pierre de Wassu

L’escale suivante a été Kudang Tenda, où nous avait invité un des pêcheurs croisé sur la rivière.


Kudang Tenda


Kudang Tenda


Peu de touristes ont l’occasion de s’aventurer jusqu’ici comme dans la plupart des villages reculés le long de la rivière. L’arrivée de blancs crée auprès des enfants une excitation incroyable, surprenante et touchante à la fois.

Après nous avoir fait de grands signes depuis la rive, lorsqu’ils ont compris que nous allions jeter l’ancre devant leur village, une nuée d’enfants s’est précipitée dans l’eau pour venir à notre rencontre.

Le chef du village a freiné leurs ardeurs et nous avons échappé à l’assaut de Pythéas, mais nous avons été chaudement accueillis lorsque nous avons débarqué à terre.



Tous les enfants ne cessaient de crier « toubabs ! » , « toubabs ! » (« blancs ! », « blancs ! ») sur notre passage, ce qui n’est absolument pas péjoratif dans leur bouche mais complètement intransposable dans notre culture.

J’avais hâte de pouvoir utiliser avec eux les quelques mots de mandinka appris quelques jours plus tôt, mais ils ne m’ont servi à rien puisque les habitants de Kundang Tenda ne sont pas des Mandingues mais des Fulas. Grâce au chef du village, j’ai pu corriger le tir et apprendre un peu de vocabulaire fula. Il nous a même appris avec malice le terme « baledio » (« noir ») pour répondre au « toubab ! » des enfants, ce qui n’était pas davantage péjoratif et qui n’a pas manqué de déclencher la surprise puis l’hilarité auprès d’eux.


Enfants devant Kudang Tenda


Coucher de soleil devant Kudang Tenda


Nous avons ensuite fait escale à Kaur, une ville un peu plus grande où nous avons trouvé quelques vendeuses de fruits et légumes le long de la grande route.

Dès que nous en avions l’occasion, nous avons essayé d’utiliser nos quelques mots de fula ou de mandinka, suscitant chaque fois un étonnement admiratif de la part de nos interlocuteurs, ce qui ne manque pas d’ironie quand on sait que la plupart d’entre eux parlent au moins trois ou quatre langues (anglais, mandinka et/ou fula, wolof, parfois français,…)


Enfin, nous nous sommes arrêtés à Bitang en aval de la rivière.

L’ambiance y était complètement différente car le village est beaucoup plus près de la capitale et sans doute davantage fréquenté par les touristes. Mais nous avons encore remporté un vif succès auprès des enfants, et reçu un accueil sympathique de la part d’Omar qui nous a proposé ses services de guide touristique pour visiter son village.


Mosquée de Bitang


Enfants de Bitang


Nous sommes repassés par Lamin Lodge quelques jours pour refaire le plein d’eau, de carburant et de victuailles et attendre la météo favorable pour quitter la Gambie.


Au terme d’un séjour d’un peu plus de trois semaines, il était temps de repartir avant que la saison des pluies ne commence.

Nous avons effectué notre sortie auprès de l’immigration le lundi 16 mai 2022, puis avons levé l’ancre en direction du Cap Vert.



Infos pratiques pour les navigateurs


Formalités :

Entrée :

Depuis le quai des pêcheurs où on amarre l’annexe, remonter vers la droite la grande avenue jusqu’au bout. Derrière un portail se trouve une grande zone dans laquelle on trouve tous les bureaux devant lesquels on doit se présenter.

  1. passage à la santé : nous avions un certificat de double vaccination au Covid. On nous a également pris notre température. L’officier nous a demandé un "petit cadeau" pour le bureau. Nous lui avons laissé 5$.

  2. passage à l’immigration (obtention d’un visa de 28 jours). Gratuit

  3. passage au bureau des douanes en 2 étapes : on nous a fait ressortir de la zone et revenir sur nos pas jusqu’à la zone de débarquement des containeurs pour trouver un autre bureau des douanes où on nous a pré-rempli un formulaire. Concernant la durée de séjour du bateau, il vaut mieux inscrire le maximum (1 an) car ça ne fait pas de différence qu’on demande 10 jours ou 1 an. Puis on est revenu au premier bureau où le chef douanier nous a signé le formulaire. Gratuit. Pas de visite du bateau.

  4. passage aux autorités portuaires : on nous a remis des consignes concernant la navigation dans la zone du parc national et demandé de nous acquitter d’une taxe de 23€ (à payer en Dalasis, soit environ 1300 dalasis en mai 2022)

L’ensemble de ces formalités s’est faite auprès de gens très aimables et courtois, et plutôt rapidement même s’il faut compter une petite matinée pour passer devant tout le monde.


Sortie :

Passage à l’immigration uniquement. Gratuit et rapide. L’officier de l’immigration nous a dit que n’avions pas besoin de passer voir quelqu’un d’autre à moins que nous ayons besoin d’une clearance des douanes, ce qui n’était pas le cas.


Navigation :

Nous avons navigué avec :

  • Open CPN, énorme décalage de positionnement mais les sondes sont relativement précises.

  • Le guide "Cruising Guide to West Africa" de Steven Jones. Bien que daté, il donne de nombreuses informations utiles.

  • Nous avions trouvé beaucoup d’infos pratiques utiles sur le blog le golo : https://legolo.fr/naviguer-en-gambie/

  • L’annuaire des marées sur https://mareespeche.com

Nous avons observé un décalage de +2h entre la marée et le courant de marée.


Les filets de pêche peuvent devenir une vraie source de problèmes par moments.

Nous n’avons eu aucun mauvais contact avec les pêcheurs. Au contraire, ils ont toujours été prêts à aider et très aimables. Nous avons eu des échos moins positifs de la part d’autres équipages, c’est comme partout, on peut parfois tomber sur un mauvais numéro mais on ne peut pas en faire une généralité.


Avitaillement :

A Banjul : très grand marché au Albert Market où on trouve de tout mais pas forcément aux tarifs les plus intéressants.

A Lamin : nous avons trouvé tout ce dont nous avions besoin (produits frais et secs) à des prix intéressants. Nous aurions très bien pu envisager un avitaillement pré-transat ici.

Nous n’avons pas testé mais Serrekunda et Bricama sont des villes bien plus grandes que la capitale, accessibles en taxi ou bus, où on peut sans doute trouver encore plus de choses.

En remontant la rivière, nous avons trouvé des fruits et légumes uniquement à Kaur.


Eau : nous avons rempli nos bidons à Lamin Lodge, puis en remontant la rivière dans les quelques villages où nous nous sommes arrêtés.


Carburant : bidons à Lamin (64 dalasis le litre de diesel en mai 2022)


Divers :

Communications :

Nous avons acheté à Banjul une carte SIM Africell, avec du crédit internet. Nous avons pu la recharger plus tard à un magasin Africell à Kaur.





Moustiques :

A partir de Eléphant island l’eau devient plus douce et les moustiques plus nombreux.

Il est judicieux d’avoir équipé son bateau de moustiquaires.

Nous avions également pris un traitement anti-paludique.


Quoi apporter :

Tout ce que vous pourrez apporter sera utile et apprécié car la Gambie est un pays très pauvre. Parmi les choses qu’on nous a souvent demandées et que nous n’avions pas forcément pensé à prendre il y avait :

Des cigarettes, pour les pêcheurs

Des stylos, et surtout des ballons de foot ! pour les enfants.

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1 Comment


Leanis Leanis
Leanis Leanis
May 25, 2022

Un régal de dépaysement.

bravo à l équipage

on vous embrasses

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