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Robinson Crusoé

Dernière mise à jour : 6 mars

Le 10 Avril 2023, Pythéas quitte la baie de la Herradura (Coquimbo) et le continent chilien.


Pythéas quittant la baie de Coquimbo, dans la Camanchaca, cette brume formée par la rencontre du courant froid de Humboldt et de la chaleur des terres de la côte chilienne.


Avant d’entreprendre une longue traversée du Pacifique vers la Polynésie, nous voulons à tout prix faire un crochet par l’île de Robinson Crusoé.


Autrefois baptisée Masatierra, l’île de Robinson Crusoé compose avec les îles Santa Clara et Alejandro Selkirk l’archipel volcanique Juan Fernandez, du nom de son découvreur en 1574.


Principios de Cartografia Comparada, Aguafuerte sobre bronce, Jorge Martinez, artiste chilien. "Superposicion de Isla (Robinson Crusoe) y Ciudad (Londres, 1845), creando un paralelo dinamico entre la soledad y el tumulto, atraversado por un rio serpenteante. Espacios topographicos expresando espacios psicologicos, en un continuo grafico denso y abigarrado."



Située à un peu plus de 650 km à l’Ouest des côtes chiliennes, l’île de Robinson Crusoé doit son nom contemporain et sa renommée au plus célèbre naufragé de la littérature créé par Daniel Defoe. Pour son roman paru en 1719, l’auteur anglais s’est inspiré de l’histoire bien réelle du marin Alejandro Selkirk, débarqué et abandonné sur l’île déserte de Masatierra pendant 4 ans et 4 mois (1704-1708).


Selkirk y el Mar, Litografia y Serigrafia, Guillermo Frommer, artiste chilien. "La enigmatica y controvertida imagen de Selkirk y su relacion con el ocean, lleno de elementos igualmente bellos y terrificos."



D’abord repaire de pirates, théâtre de batailles navales et d’innombrables naufrages, territoire convoité par les chasseurs d’otaries puis bagne politique, cette île n’aurait été habitée de manière permanente qu’à partir de 1750, date à laquelle une communauté de 171 colons espagnols s’y établit.


SMS Dresden, croiseur allemand coulé devant Robinson Crusoé par les britanniques en 1915


Au début des années 2000, la population de Robinson Crusoé atteint 600 personnes, toutes rassemblées dans l’unique village San Juan Bautista dont l’activité s’est développée autour de la pêche à la langouste.



Tratado de Geometria Natural, libro segundo: Jasus Frontalis, Aguafuerte sobre bronce, Jorge Martinez, artiste chilien. "Contorsion imposible de la langosta para formar una seccion aurea de patas, caparazones y tenazas en flor. En el centro, siempre, surge una vision difusa del Buda Avalokitesvara, del misericordioso : se trata de una meditacion de la forma como metafora del vacio."



En 2010, un séisme provoque un tsunami meurtrier qui ravage le village.


Sin titulo, Aguafuerte, Eduardo Garreaud, artiste chilien. "El mar me produce un inexplicable temor. Lo siento implacable, indomito e insondables. Es impredicible."



Sa reconstruction nécessite tellement de main-d’oeuvre extérieure qu’en un peu plus de 10 ans la population de l’île double pour atteindre aujourd’hui 1200 habitants.

Pour préserver l’équilibre écologique de l’île, cette population ne devrait pas excéder 1300 habitants ce qui impose de nouvelles réflexions et réglementations pour répondre à ce défi environnemental.

Car au-delà de son histoire fascinante qui attire aujourd’hui encore archéologues et chercheurs de trésors, l’archipel entier possède un patrimoine naturel exceptionnel au titre duquel il a été classé réserve de biosphère de l’Unesco en 1977.


L'archipel possède une flore et une faune endémiques très riches: ci-dessus un Colibri (femelle) de Juan Fernandez


Colibri (mâle) de Juan Fernandez


Picaflor, agua intervenda, Roser Bru, peintre espagnole.


Les habitants de l’archipel ont parfaitement compris l’importance de préserver cet écosystème si riche et si fragile à la fois : « Cuidar hoy para tener mañana ».

A titre d’exemple, de manière pionnière dans le monde, les pêcheurs de langouste de l’île se sont auto-imposé des normes restrictives telles qu’une période de pêche (octobre à mai), une taille minimale, et des moyens de capture idoines pour relâcher les femelles avec des œufs. Ils pratiquent aujourd’hui la seule pêche véritablement durable au Chili, preuve s’il en fallait qu’il n’est pas incompatible de profiter de la nature tout en la protégeant.


Nous ne manquions donc pas de motivations pour découvrir cette île incroyable, d’autant que j’ai la chance de connaître un archéologue qui est allé plusieurs fois là-bas et qui nous a mis en contact avec un très bon ami sur place...


Le 15 avril 2023, au terme d’une navigation peu confortable de 5 jours au prés serré (= vent et houle de face, on marche sur les murs) nous distinguons enfin la côte septentrionale de l’île.


Arrivée depuis le Nord à Robinson Crusoé


Le vent d’Est-Sud-Est a levé au large une houle assez grosse mais les autorités contactées à la VHF nous confirment que la Bahia Cumberland est tout de même accessible et abritée.


Nous tentons plusieurs fois d’ancrer sans succès car le fond de la baie est encombré de roches, jusqu’à ce qu’une bonne âme nous indique une bouée sur laquelle il est plus facile de nous accrocher.


Pythéas mouillé dans la baie de Cumberland


Vue sur San Juan Bautista depuis Pythéas au mouillage


Après une rapide entrevue avec les autorités sanitaires, nous sommes autorisés à circuler librement sur l’île, bienheureux de pouvoir enfin nous dégourdir les jambes.



Rue du village San Juan Bautista, longeant la baie de Cumberland


Dès le lendemain, nous rencontrons notre contact local Raimundo.

Raimundo s’est auto-exilé sur cette île depuis 30 ans. Il y a fondé la CasaIsla, une résidence d’artistes et une fabrique de projets culturels visant à promouvoir l’île. Robinson Crusoé est en effet un endroit si particulier qu’il inspire de nombreux artistes venus expérimenter une autre façon de vivre et de travailler par leur séjour sur cette île. L’explosion de manifestations artistiques inspirées par l’île crée un pont entre ce petit territoire ultramarin et le reste du monde.


Raimundo nous réserve un accueil des plus chaleureux, partageant avec nous et ses amis d’excellentes soirées, nous apprenant mille et une choses captivantes sur son île, et mettant à notre disposition le confort moderne de sa maison (machine à laver le linge, internet, etc...).


Pendant une semaine, la météo reste calme et la baie suffisamment protégée pour qu’on y abandonne sereinement Pythéas le temps d’explorer en randonnée ou en plongée les multiples trésors de l’île.




Vue sur la baie de Cumberland et le village San Juan Bautista depuis la crète Salsipuedes



Vue sur Santa Clara depuis le Mirador de Selkirk


Grâce à nouveau à Raimundo, nous avons la chance d’embarquer sur le petit bateau-taxi qui conduit à l’aéroport pour découvrir l’autre côté de l’île au cours d’une incroyable randonnée d’une vingtaine de kilomètres.


Formations basaltiques sur la côte Nord de Robinson Crusoé, observées sur le trajet vers l'aéroport


Basalto de Isla, Aguafuerte, Punta Seca, Isabel Cauas, artiste chilienne. " ... murallon guardian milenario, majestuoso, impenetrable y atrayente..."



Aéroport de Robinson Crusoé


Vue sur Santa Clara depuis la côte Sud


Bahia Villagra, côte Sud de l'île


Yunque, Aguatinta, Javiera Moreira, artiste chilienne. "El vuelo, la llegada, la cabalgata, bosques centenarios y unicos, la luz del paisaje, sus quebradas y cumbres inolvidavles..."



Côte Sud de l'île


Nous aurions volontiers prolongé cette escale si nous n’avions pas été tributaires une fois de plus de la météo. Une dépression amenant des vents de Nord-Ouest nous oblige à aller chercher un abri de l’autre côté de l’île, dans la bahia Tierras Blancas.


Sortie des bateaux de l'eau avant l'arrivée du coup de vent


Bahia Tierras Blancas


Outre une importante colonie d’otaries, le cargo qui ravitaille l’île et deux autres voiliers chiliens nous tiennent compagnie dans cette large baie pendant deux jours de mauvais temps.


Colonie d'otaries à fourrure


La protection de la baie aura été parfaite par vents de secteur Nord-Ouest à Nord, mais quand les vents commencent à basculer Sud-Ouest, l’abri menace de se transformer en chaudron et nous préférons alors imiter le cargo qui retourne dans la baie de Cumberland même si nous rencontrons dehors des conditions plus musclées que prévues (42 nœuds en rafale et 5 m de houle au près, un délice).


Rincés dans tous les sens du terme, nous retrouvons en fin de journée notre mouillage devant le village de San Juan Bautista. Nous y passerons une dernière nuit sans remettre le pied à terre car le lendemain, samedi 29 avril 2023, nous saisissons une fenêtre météo favorable pour mettre enfin cap vers ... la Polynésie !



Infos pratiques pour les navigateurs

Internet :

Bien que nous captions la 4G avec notre carte Sim chilienne Entel, nous avions une très mauvaise connexion. Des antennes Starlink fleurissent un peu partout, et il est possible de s’arranger avec des commerces locaux (exemple : club de plongée) pour trouver un bon débit.


Avitaillement :

Si le cargo qui ravitaille l’île est passé récemment, vous trouverez un peu de tout mais dans des quantités limitées et à des prix élevés. Ne comptez pas sur cette escale pour faire un avitaillement complet avant la transpacifique.


Mouillage :

Les autorités vous recommandent de mouiller dans la partie Sud-Est de la baie.

Comme mentionné dans l’article ci-dessus, il est difficile de s’accrocher à l’ancre solidement car le fond est encombré de roches. Peut-être en mouillant dans une zone plus profonde (15- 20 m) peut-on trouver davantage de sable?

On nous a indiqué une bouée sur laquelle nous amarrer en nous recommandant tout de même de vérifier son état au fond ... 33:38.377 S 078:49.627 W. Deux autres voiliers utilisaient également une bouée de mouillage dans la baie (toutes sont gratuites). Il y a de nombreuses petites bouées de mouillage de pêcheurs qui traînent à droite à gauche dans la baie et parfois des bouées de casiers de langouste avant d’entrer dans la baie. Pour ces raisons, une arrivée de nuit dans la baie me paraîtrait un peu risquée pour mon hélice...

La baie n’est pas très encaissée et la houle peut facilement s’y inviter rendant le mouillage rouleur, surtout lorsque des vents de Nord-Ouest et d’Ouest ont soufflé avant votre arrivée. Mais par temps établi, le mouillage peut presque devenir confortable.


La baie est bien protégée des vents de secteur Est à Ouest (secteurs 2 et 3). Si le vent fraîchit en venant d’un secteur Nord-Ouest à Nord-Est, il faudra aller trouver un abri de l’autre côté de l’île dans la baie de Tierras Blancas. Nous y avons mouillé dans 17 m, fond de sable de bonne tenue.

Position GPS : 33:39.602 S 078:54.918 W

Les pêcheurs nous ont été de bons conseils pour nous expliquer les effets de site et comment les vents se comportaient dans la baie de Tierras Blancas afin de bien choisir le côté où ancrer.


Débarquement en annexe :

Le débarquement en annexe se fait au quai des pêcheurs. Il faut s’attacher au niveau des escaliers les plus près de la côte, les autres escaliers étant utilisés toute la journée par les pêcheurs pour débarquer.


Formalités :

Contact VHF : canal 16 « Juan Fernandez radio »

En arrivant du Chili continental, on nous a uniquement demandé de présenter le document que nous avaient remis les autorités phytosanitaires lors de notre première entrée au Chili.

En partant, nous avons fait notre sortie administrative du Chili car nous n’étions pas sûrs de pouvoir débarquer à l’île de Pâques. Les formalités ont été très simples. L’Armada s’occupe d’envoyer par internet les papiers nécessaires aux bureaux des douanes et de l’immigration de Valparaiso. Il faut néanmoins prévenir l’Armada de votre intention de départ au minimum 48 h à l’avance pour qu’ils aient le temps de recevoir l’autorisation de l’immigration de Valparaiso. Toutes ces formalités à l’arrivée comme au départ sont gratuites.

Le personnel de l’Armada s’est toujours montré extrêmement aimable et toujours disposé à répondre à nos questions ou à nous conseiller à l’approche du mauvais temps. Ils sont ouverts 7j/7, 24h/24.


Randonnées :

Pour randonner sur l’île, même en autonomie, il faut s’acquitter auprès du bureau de la CONAF d’un droit d’entrée de 8000 pesos chiliens par personne (=10 €/ personne).



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2 commentaires


Arnaud Cazenave de la Roche
Arnaud Cazenave de la Roche
18 juil. 2023

C'est un régal de suivre votre sillage dans les eaux magiques de l'île de Robinson Crusoe!

Arnaud

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eric.reix
17 juil. 2023

Un grand plaisir de lire votre récit qui mêle documents d'archive, très belles photos actuelles et informations pour le navigateur.

Vous suivre m'aide à avancer sur la restauration de mon bateau à Arzal.

Profitez bien.

Eric

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