Voilà déjà 5 ans presque jour pour jour que nous avons largué les amarres et quitté la France. Pourtant c’est seulement la deuxième fois que nous nous apprêtons à traverser l’océan.
La première fois, c’etait entre le Cap Vert et la Barbade. Poussés par de faibles alizés et un courant favorable, nous avions mis 17 jours pour parcourir 2100 miles au cours d’une navigation particulièrement clémente.
Cette fois, nous traverserons d’Ouest en Est, depuis les USA vers les Açores.
Cette transatlantique est réputée plus technique car les régimes de vents sont moins réguliers, parfois assez violents et souvent de face.
Pour cette raison, nous avons fait l’acquisition aux États-Unis d’un téléphone satellitaire qui nous permettra de recevoir régulièrement les météos. Nous avons également pris conseil auprès de nos amis de Belissima qui ont traversé l’année dernière et fait appel aux qualités de routeur de notre ami dunkerquois Jérôme (vainqueur de la dernière transat virtuelle Jacques Vabre à bord de Super biloute !).
La période la plus favorable pour cette traversée se situe entre mai et juillet. Cette année le choix de la date du départ répond à deux impératifs : ne pas partir trop tôt pour laisser le temps aux Açores de ré-ouvrir leurs frontières, ne pas partir trop tard pour éviter de rester enlisés dans un anticyclone des Açores qui serait déjà bien établi.
Nous visons une arrivée début juillet et décidons de lever l’ancre le 9 juin.
Reposés et confiants dans notre bateau nous nous lançons sans appréhension dans cette nouvelle aventure. Jean-Luc comme toujours au moment de partir trépigne d’impatience.
Le premier jour consiste à gagner le large le plus vite possible avant qu’un fort coup de vent balaye les côtes. Pour aller plus vite nous sommes obligés de nous aider quelques heures du moteur car comme souvent, le calme précède la tempête.
Le vent finit par nous rattraper, moins fort que prévu mais nous progressons tout de même correctement au milieu d’un épais brouillard qui ne nous quittera pas pendant plus de 3 jours.
A l’approche de la frontière entre les eaux américaines et les eaux canadiennes, l’AIS signale plusieurs bateaux de pêche qui ratissent la zone. Nous nous trouvons sur le fameux Georges bank, la corne d’abondance des pêcheries de la Nouvelle-Angleterre et de la Nouvelle-Ecosse pendant plus de quatre siècles. Aujourd’hui c’est le deuxième site états-unien de pêche halieutique après l’Alaska et même si les stocks de cabillauds ont été malheureusement sur-pêchés et épuisés, la zone alimente toujours largement le marché européen en homards et coquilles Saint-Jacques.
Telle une créature fantastique, un chalutier avec ses grands bras tentaculaires surgit du brouillard à quelques centaines de mètres de nous. L’AIS nous indique qu’il n’est qu’à 0,17 miles (300 m) quand il disparaît à nouveau de manière fantomatique.
Puis le brouillard finit par nous abandonner, comme le vent. Nous essayons de suivre les méandres de courant favorable du Gulf Stream pour garder un peu de vitesse mais ce n’est pas toujours une partie de plaisir, surtout pour le barreur. Le moral et l’harmonie à bord en pâtissent un peu.
Le tracé du courant, difficile à deviner sans les gribs
La première semaine s’achève sans que l’on s’en rende compte. Réglages du bateau, lecture, cuisine, repos, réception des météos, étude du routage, alternance des quarts de nuit, ... rythment nos journées. A la barre, le régulateur d’allure nous remplace la plupart du temps ce qui rend la navigation confortable.
Nous sommes au milieu de nulle part et pourtant nous ne sommes jamais seuls. Quasiment tous les jours nous croisons un cargo, et il n’est pas rare que des dauphins viennent jouer dans notre vague d’etrave. Les rencontres avec les autres cétacés sont moins fréquentes. Au loin Jean-Luc pense avoir aperçu un orque, nous repérons un autre jour le souffle et la caudale de deux baleines, et le 17 juin un petit groupe de trois cachalots nous fait le plaisir de venir respirer à quelques dizaines de mètres du bateau.
Apparition fugace de cachalots
Jean-Luc en déduit que c’est le bon moment pour pêcher des calamars puisqu’ils constituent l’alimentation principale des cachalots, et coïncidence ou non, lors de son quart de nuit Jean-Luc fait une pêche miraculeuse d’une vingtaine de calamars !
Un thon de 5-6 kg viendra compléter et clore ce tableau de pêche le lendemain.
La deuxième semaine ressemble beaucoup à la première. Nous alternons quelques journées de bon vent, souvent à des allures arrière ce qui nous incite à ressortir le gennaker, et des journées moins venteuses où nous essayons de trouver le meilleur courant. Notre rythme de progression est très irrégulier, oscillant entre 87 miles et 193 miles quotidiens !
Nous assistons sur l’eau à un défilé perpétuel de milliers de physalies ou galères portugaises. Bien qu’elles leur ressemblent beaucoup et qu’elles appartiennent au même embranchement (cnidaires), ce ne sont pas des méduses. Il s’agit en réalité d’une colonie d’organismes spécialisés (polypes) accrochés sous un flotteur rempli de gaz qui leur permet de dériver à la surface. Leurs tentacules urticants sont très douloureux pour l’homme et même mortels dans certains cas. Nous prenons donc beaucoup de précautions quand nous devons les décrocher de nos lignes de pêche.
Physalie coincée dans notre safran au mouillage
A quelques jours de l’arrivée un nouvel anticyclone nous fait de l’œil. Nous utilisons le moteur quelques heures pour le contourner par le Nord, puis récupérons du vent arrière qui nous permet de filer sous gennaker jusqu’aux Açores.
Le 26 juin nous apercevons les premières îles de l’Ouest des Açores : Corvo et Florès.
Corvo, dans les nuages
Nous ne nous y arrêtons pas car en période de Covid, notre entrée administrative ne peut s’effectuer que sur l´île de Faial ou de São Miguel.
Nous apprendrons par la suite que Florès n’est plus accessible aux plaisanciers car son port principal a été détruit l’année dernière par l’ouragan Lorenzo et n’a pas encore été remis en état.
Le 27 juin, les côtes sauvages de Faial se dévoilent. Au bout de 18 jours de traversée et 2194 miles, nous arrivons à Horta juste avant la tombée de la nuit, heureux de poser l’ancre dans un nouvel archipel plein de promesses...
Remerciement spécial à Jérôme pour ton temps, ta patience, tes conseils, tes routages et tes gribs !
la soeur de Julien et son mari sont affectés en guadeloupe le 15 août, à 1/2 h de chez Julien.
Belle traversée ouest est et bienvenue en Europe; finalisez votre passage en Méditerranée lorsque la pandémie ne présentera plus de risques. Bien à vous deux
Emmanuel