Après une escale de presque 2 mois à Cuba, nous avons fait route vers les Etats-Unis. Nous avons quitté La Havane le 9 février 2020 et moins de 24h plus tard, au terme d’une navigation musclée, nous abordions les côtes de Floride à Key West. Les formalités d’entrée ont été expédiées sans difficulté, malgré l’appréhension liée au fait que nous arrivions de Cuba (l’ennemi juré). La visite de Key West nous a réservé le choc culturel attendu : du jour au lendemain nous sommes passés d’un ultra-socialisme austère à un ultra-consumérisme débridé. Key West est une destination très prisée tant par les Américains que par les touristes étrangers que déversent quotidiennement d’énormes paquebots de croisière. Le centre-ville leur propose une débauche de magasins en tous genres et de bars-restaurants qui rivalisent à coup d’happy hour, de Fat Tuesday, et autres surenchères. Au bout de 20 minutes, nous avions vu plus de marchandises dans les vitrines de Key West qu’en deux mois dans tout Cuba. Mais Key West attire aussi par le charme de son architecture (de coquettes villas en bois peintes en blanc, couvertes de tuiles grises et bordées d’un jardin tropical bien entretenu) et par le bassin de navigation qu’offre l’archipel des Keys. Du lever au coucher du soleil, voiliers, bateaux à moteurs, jet-skis, vieux gréements, bateaux de pêches, paquebots, embarcations militaires … défilent sans interruption autour de notre mouillage au bord de la crise du logement, contrastant de manière saisissante avec les rares bateaux croisés dans les eaux cubaines.
Notre projet est de remonter toute la côte Est des États-Unis jusqu’à la frontière canadienne.
Deux options sont possibles pour cette navigation : passer par l’océan et profiter du Gulf Stream qui court vers le Nord, ou emprunter l’Intracoastal Waterway (ICW), un réseau de canaux intérieurs en partie naturels en partie aménagés par l’homme, parallèles au trait de côte.
L’ICW relie le Texas à la Floride le long du Golfe du Mexique puis la Floride à la Virginie côté Atlantique. Quelques courts tronçons traversent également le New Jersey et le Massachusetts plus au Nord.
Naviguer vers le Nord par l’océan est plus rapide grâce au courant, plus écologique et économique si l’on arrive à avancer uniquement à la voile mais cela peut aussi être moins confortable en fonction des conditions de mer et moins intéressant sur un plan touristique car on navigue au milieu de « nulle part ». Naviguer dans l’ICW permet de rester à l’abri des northers (ces coups de vent du Nord violents fréquents en hiver) et de la houle océanique, tout en traversant des paysages sauvages ou des villes côtières pittoresques, mais la navigation se fait principalement au moteur ce qui est moins agréable et moins économique que d’avancer à la voile (même si le litre de diesel coûte ici 0,70 $ environ). Pour nous rendre à Miami, nous avons choisi l’option océanique et avons mis un peu plus de 24h pour parcourir 160 miles, poussés par le Gulf Stream grâce auquel nous avancions parfois à plus de 9 nœuds (quand notre moyenne normale se situe plutôt autour des 5 nœuds). Depuis la baie de Biscayne où nous avons jeté l’ancre alors qu’une horde de dauphins nous escortait, nous avons profité d’un point de vue incroyable sur les gratte-ciels de Miami. Cette image restera un souvenir marquant de ce début de périple américain.
Vue de l’intérieur, nous n’avons pas trouvé autant de charme à cette gigantesque ville moderne, traversée par de larges artères désertes, de grands centres commerciaux, et dans laquelle il est parfois difficile de se repérer.
Si l’on veut prendre le pouls de Miami, c’est du côté de Miami Beach qu’il faut se rendre en se mêlant à la foule locale qui arpente le front de mer ou les plages surpeuplées.
Depuis le bateau, nous avons frolé les gratte-ciels avant de reprendre notre route vers l’océan.
Toujours aidés par le Gulf Stream, nous avons à nouveau mis un peu plus de 24h pour parcourir les 180 miles qui nous séparaient du « Port Canaveral inlet ». Les inlets désignent ces passages qui relient l’océan à l’ICW. Ils ne sont pas tous praticables en voilier en raison des courants et des bancs de sable qui s’y déplacent et il nous aura fallu rebrousser chemin sur plus de 60 miles pour trouver une autre entrée quand nous nous sommes retrouvés coincés devant celle de Port Canaveral pour cause de maintenance et donc de fermeture exceptionnelle des écluses par lesquelles nous devions transiter. Nous nous sommes vites consolés de cette mésaventure en explorant nos premiers miles dans l’ICW, le long duquel nous découvrons un visage beaucoup plus bucolique de la Floride.
Une incroyable faune sauvage a colonisé les rives et les eaux de l’ICW : une grande variété d’oiseaux (mouettes, sternes, cormorans, nos premiers pélicans blancs, échassiers, rapaces, et même flamands roses !), des mammifères marins (de très très nombreux dauphins, parfois un lamantin), et d’autres spécimens de mammifères terrestres…
De temps en temps, quelques énormes villas nous rappellent que nous sommes toujours en Floride.
Ces premiers jours dans l’ICW nous familiarisent avec une navigation très différente de ce que nous avions connu jusqu’ici. Nous avançons principalement au moteur mais devons sans arrêt faire preuve de vigilance pour ne pas nous écarter du centre du chenal principal faute de talonner voire de rester enlisés, nous apprenons à lire le tracé de la rivière pour éviter les bancs, à utiliser ou à éviter la marée et les courants, à choisir le meilleur endroit pour mouiller, nous découvrons les règles de priorité au passage d’un pont, exerçons notre anglais en demandant l’ouverture des ponts, etc...
C’est une navigation plus technique que ce que nous avions imaginé, et nous passons chaque soir au coin du poêle plusieurs heures avec la carte, le guide et internet pour préparer l’étape du lendemain et nous épargner une déconvenue comme celle des écluses de Canaveral… Nous décidons de poser le pied à terre le temps d’une escale de 2 jours à Sainte-Augustine, au Nord de la Floride.
Cette ville fondée par un colon espagnol en 1513 est considérée comme la plus ancienne de l’Etat. C’est sans doute une des rares villes sur notre route où nous pourrons réellement visiter un centre historique au sens européen du terme même si ici ça prend un peu des allures de parc du Puy du Fou…
Nous quittons Saint-Augustine et la Floride pour rentrer en Géorgie, un grand état dont la bande côtière est proportionnellement assez courte. Il nous faudra 2 grosses journées de navigation pour traverser ses vastes étendues marécageuses et boisées.
Si le nombre de ponts à franchir diminue, les courants et les marées sont bien plus forts ici (jusqu’à 6 nœuds et plus de 2m de marnage par endroits) ce qui nous impose toujours une bonne préparation de nos étapes. Par une météo particulièrement venteuse (25-30 nœuds ?) le passage des nombreux « sounds » (détroits entre des îles et l’océan) se révélera plus sportif que prévu, la difficulté étant accrue par la présence de nombreux casiers à crabe entre lesquels il faut slalomer.
A la Géorgie succède la Caroline du Sud, on retrouve peu à peu la civilisation, on croise à nouveau des habitations et même des villes !
Nous continuons d’enchaîner de longues étapes quotidiennes de près de 12h, naviguant du lever au coucher du soleil.
Le temps de nous mettre à l’abri d’un nouveau coup de vent, nous faisons escale à Charleston pendant 3 jours. A l’instar de Sainte-Augustine, c’est une ville de petite taille, avec de jolies maisons anciennes mises en valeur, et nous nous réjouissons de découvrir la vie américaine à une autre échelle que celle des grandes villes comme Miami, Philadelphie, New-York, Boston que nous pensons visiter plus tard… Nous sympathisons avec un équipage allemand qui fait également route vers le Nord et après une agréable soirée passée en leur compagnie, nous nous promettons de nous retrouver plus loin. La suite en décidera autrement… Pour ne pas prendre de retard sur le programme chargé que nous voulons suivre, nous reprenons notre route par l’océan. De belles rencontres avec des dauphins tachetés égayent une navigation peu venteuse jusqu'au Beaufort Inlet en Caroline du Nord.
Nous sommes immédiatement frappés par le changement de végétation et sommes séduits par les grandes forêts de pins qui nous encerclent.
Nous traversons à nouveau de grandes étendues vierges de civilisation et faisons une courte halte pour nous ravitailler à Belhaven, un patelin à l’écart de tout mais où la population se montre très accueillante.
Alors que nous restons coincés au mouillage pendant 2 jours derrière l’Albemarle Sound pour laisser passer une dépression, les nouvelles sur la crise du Coronavirus qui nous arrivent depuis l’Europe sont de plus en plus préoccupantes et nous ne doutons pas que les choses évoluent dans le même sens aux Etats-Unis dans les semaines qui suivent.
Le 17 mars, nous nous arrêtons quelques miles avant le terme de l’ICW pour faire un gros avitaillement et remplir notre bouteille de gaz. Nous décidons de rester confinés à bord du bateau aussi longtemps que nécessaire sans attendre qu’on nous l’impose.
Le 18 mars nous quittons l’ICW, passons devant Norfolk et Portsmouth sans nous arrêter. Nous reconnaissons amarré au milieu d’une impressionnante flotte militaire le navire hôpital « Comfort » que nous avions croisé l’été dernier à Grenade et qui sera réquisitionné dans quelques jours pour aller porter secours aux hôpitaux de New York…
Derrière Norfolk et Portsmouth s’ouvre la gigantesque baie de Chesapeake.
Nous avions prévu d’y passer quelques semaines pour visiter Washington, Baltimore, Philadelphie,… et profiter des multiples infrastructures nautiques pour effectuer un certain nombre de révisions sur le bateau.
Les visites touristiques n’étant plus d’actualité, nous allons avoir bien plus de temps que nous pensions pour nous occuper du bateau…
MERCI pour cette bouffée d'exotisme ,précieuse oxygénation depuis notre confortable confinement de grands privilégiés !
... tout va très bien Madame la Marquise ... tout va très bien ! Tout va très bien ... pour tous les deux !!!
Grand ciel bleu ! Grand soleil ! Grand beau temps ! ... en continu depuis déjà des semaines ! Air pur assuré ! Dame Nature est la grande gagnante ! ... sans oublier les truites ! ... et nous deux bien entendu !
😷 Bisous ! 😷 Bisous !😷
Salut les grands navigateurs,
Toujours aussi sympa d'avoir de vos nouvelles, et de lire la jolie prose de Mathilde !
Pour nous tout va bien en ce moment.
Nous sommes confinés avec notre deuxième fille Marie et l'ambiance est au beau fixe.
Pas un grain à l'horizon, ni le moindre vent contraire, que du portant sur une mer apaisée !!!
On avance bien sur notre chantier du rez de chaussée où nous refaisons complètement l'appartement du bas pour assainir et réaménager cet espace ensuite dédié à la location (saisonnière ou long terme ??) et me permettre, prochainement j'espère, de m'arrêter de bosser.
Marie toujours de bonne humeur, prend son pied à nous mitonner de bons petits plats (végé), assurer l'intendance,…